LANGUES, ÉCRITURES, et CIVILISATIONS ANCIENNES

Concernant le linéaire A, le but est triple :
- Montrer qu’il y avait déjà une présence mycénienne / grecque en Crète, dès le Minoen Récent I, et que ces Mycéniens / Grecs utilisaient l’écriture linéaire A pour transcrire leur propre langue.
- Montrer qu’il y avait également une présence hourrite en Crète à l’époque minoenne.
- Vérifier si le linéaire A note aussi une langue sémitique (le cananéen ancien), opinion de Luciano Pavarotti.
Concernant les civilisations anciennes, ce blog ne se limite pas à la minoenne.

Copyright © Oksana Lewyckyj

jeudi 6 août 2009

Grand Vert, mer Rouge, et verre de rouge



Un objet de discorde, au sein même de ma Faculté, reste la localisation du Ouadj Our ou Grand Vert.
«Depuis 1846, on comprend généralement "le Grand Vert" comme une désignation de "la mer", et plus spécialement de "la Méditerranée". Cette conviction se fonde sur des textes égypto-grecs comme le décret de Canope (238 avant J.-C.), qui localise l'île de Chypre au milieu du "Grand Vert" (Y. DUHOUX, Les Minoens des "îles au milieu du Grand Vert" : en Égée ou en Égypte? dans Pepragmena Th' Diethnous Krétologikou Sunedriou. Anatupo. Etairia Krétikôn Istorikôn Meletôn, Érakleio, 2006, p. 151)».

Il continue en disant : «En effet, les textes égyptiens imposant de comprendre "le Grand Vert" comme la Méditerranée sont tardifs (fin du IIIe s. et début du IIe s.). De plus, il n'en existe en tout et pour tout que deux».

Je préciserais tout de même - grâce à l'éclairage du professeur Obsomer, égyptologue - que l'un de ces deux textes est la non moins célèbre Pierre de Rosette (196 avant J.-C.), qui servit au déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion (plus exactement au déchiffrement de 3 signes hiéroglyphiques : le "p", le "t", et le "s" de Ptolemaios), et qui a la particularité d'être pourvue d'une traduction grecque. Le "Grand Vert" y désigne explicitement la mer Méditerranée.

«Or, dans les centaines de textes anciens conservés qui parlent du "Grand Vert" - y compris ceux qui sont contemporains des tombes de la XVIIIe dynastie représentant des Minoens -, cette expression a un sens tout différent, poursuit Y. Duhoux (ibid., p. 152). Elle renvoie soit au Nil et à son Delta, soit, moins fréquemment, à la mer Rouge. Ainsi un texte de la XVIIIe dynastie (~ 1539-1295) déclare que "le Grand Vert" est asséché :
"Le courant de l'eau de l'an dernier, il est en un autre endroit cette année: le Grand Vert, si vaste, est (cette fois) à sec et les deux rives sont devenues comme (les parois d') un gouffre".
(Traduction de Vandersleyen 1999, 49, 184).
Cette situation est évidemment inconcevable si "le Grand Vert" est la Méditerranée: une mer ne se déplace pas d'une année à l'autre, ne s'assèche pas et n'a normalement pas deux rives visibles. En revanche, tout se comprend si "le Grand Vert" désigne l'association de verdure exubérante et d'eau abondante de la vallée du Nil et de son Delta. Car le Nil, lui, se déplaçait chaque année; il s'asséchait régulièrement; et, forcément, lorsqu'il était à sec, ses rives cessaient d'être humides».

Je comprends par là, que Ouadj Our semble désigner tantôt le Nil et son Delta, tantôt la mer Rouge, tantôt la mer Méditerranée. Peut-être, aussi, son concept est-il plus général (une métaphore, par exemple) ou a-t-il évolué avec le temps.

L'article se poursuit en disant que Strabon 17. 1. 4 connaissait l'existence d'îles au milieu du Delta (p. 152), que sous les règnes de Hatchepsout, de Thoutmosis III et d'Aménophis II, des Minoens se trouvaient établis dans les îles du centre du Delta, qu'ils y étaient à la tête d'un État après le départ des Hyksôs (p. 153), même si l'on n'a pas encore trouvé dans le Delta du Nil des traces indiscutables d'implantation minoenne (p. 154).

Le site d'Avaris (Tell el-Dab'a) dans le Delta du Nil (et qui fut la capitale des Hyksôs) est un site cananéen. On y a retrouvé une fresque d'inspiration minoenne (fresque du jeu de taureau, comme à Knossos) et 500 poteries chypriotes.

En attendant que les archéologues nous mettent à jour les preuves en question, un bon verre de rouge s'impose, histoire de calmer les esprits.

Remarque : En bleu, dans le texte, une addition du 18 décembre 2011, suite à une observation faite par Claude Obsomer, le 16/12/2011, au cours de Transmission des écritures orientales.

P-S : J’avais déjà publié cet article dans mon ancien blog à la date du dimanche 28 décembre 2008 à 21:05 (CET).

Tous droits réservés. Reproduction interdite.

Oksana Lewyckyj
2/503 Voie des Gaumais
1348 Louvain-la-Neuve
Belgique