Mon blog sur le linéaire A mais pas seulement. Oksana Lewyckyj, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique.
LANGUES, ÉCRITURES, et CIVILISATIONS ANCIENNES
Concernant le linéaire A, le but est triple :
- Montrer qu’il y avait déjà une présence mycénienne / grecque en Crète, dès le Minoen Récent I, et que ces Mycéniens / Grecs utilisaient l’écriture linéaire A pour transcrire leur propre langue.
- Montrer qu’il y avait également une présence hourrite en Crète à l’époque minoenne.
- Vérifier si le linéaire A note aussi une langue sémitique (le cananéen ancien), opinion de Luciano Pavarotti.
Concernant les civilisations anciennes, ce blog ne se limite pas à la minoenne.
Copyright © Oksana Lewyckyj
mercredi 21 juillet 2010
Pause vacances 2 : Queméton
Lorsque l’océan rejeta le cadavre gonflé et violacé de Saint Quentin Albert, Saint Quentin A., était-il écrit sur la chaînette qu’il portait encore autour du cou, la presse locale ne lui accorda que quelques lignes. Son intention de suicide avait paru si manifeste les derniers temps de sa brève existence que personne ne se soucia de relire la lettre qu’il avait laissée, ni ne s’aperçut qu’il y manquait des "A". L’affaire fut rapidement classée.
A quelques dizaines de kilomètres de là, au même moment, un facteur à bicyclette, dévalait joyeusement une ruelle ensoleillée et fleurie. Il s’arrêta devant une villa blanche, sonna à la grille d’un portail antique où s’entremêlaient le lierre et les bougainvilliers, glissa une lettre dans la fente d’une boîte métallique, avant de disparaître comme il était venu. Au loin, aboyaient des chiens. On les entendait encore lorsqu’une jeune femme brune se décida enfin à sortir. Un furet lui emboîtait le pas. Aucune surprise ne se peignit sur son visage lorsqu’elle découvrit le contenu de l’enveloppe, aucune émotion non plus. Toujours suivie de son furet, elle tourna les talons et, pensive, regagna la maison. Dans les mois qui suivirent, le comportement de la jeune femme changea. Elle écarta progressivement familiers et amis, se murant dans un silence absolu. On s’habitua à la voir plus rarement, puis, à ne plus la voir du tout et, l’on ne fut que très peu étonné le jour où, par hasard, on la découvrit pendue dans son salon. Quelques phrases griffonnées à la hâte, expliquaient son geste désespéré. Personne ne vit que là, encore, il manquait des "A".
Dans sa propriété nouvellement acquise, Roberto Garcia De San Siza faisait les cent pas. Il avait plu pendant trois jours presque sans intermittence, mais aujourd’hui, le ciel avait cette étrange couleur orange, chargée de sable, comme à l’approche des grands ouragans. Venta, l’étalon gris, piaffait dans son box. Le palefrenier l’avait étrillé du mieux qu’il l’avait pu mais le cheval paraissait plus nerveux qu’à l’accoutumée. La ligne téléphonique était coupée depuis quelques heures et la voiture, légèrement accidentée, se vidait lentement de son huile. De San Siza se souvint tout à coup d’une lettre insignifiante, une lettre qui aurait pu passer pour publicitaire si elle ne l’avait pas invité lui, Roberto G. De San Siza, à se soumettre à une expérience originale. Elle devait encore se trouver là, dans l’incroyable amas de papiers qui s’amoncelait sur son bureau. De San Siza n’aimait pas perdre son temps en futilités mais il comprit bien vite, qu’à l’endroit où il se trouvait, un passe-temps, même frivole, pourrait se révéler un compagnon fort agréable. Une bourrasque l’arracha à ses réflexions emportant au passage quelques tuiles mal ajustées et une pluie torrentielle s’abattit sur la région.
Au petit matin, un soleil coquin inonda la plaine laissant apparaître par là-même les dégâts de la veille, et, c’est à cheval que De San Siza fit le tour du domaine pour en estimer le montant. Il ramassa en chemin un chevreau égaré, passa devant un bovidé qui nageait dans la rivière, et qui, l’apercevant, lui emboîta naturellement le pas. L’étrange cortège traversa ainsi la terre rouge aux herbes brûlées – et maintenant noyées –, l’oliveraie, l’orangeraie et la bananeraie, jusqu’à la lisière des grands conifères. La tempête n’avait pas épargné les vieilles ruines romaines où s’entrecroisaient pêle-mêle les inscriptions du IIIème siècle et les rares volubilis rescapés. Les serpents dormaient encore. L’atelier de vannerie était détruit et celui de tissage ne valait guère mieux. Les autres dépendances n’avaient pas trop souffert. Une bonne odeur de romarin réconforta notre cavalier quand il rentra et déjà, comme un refrain, lui trottait en tête la curieuse missive publicitaire :
« VINCETTA, AU CENTRE ANTKATRA, S’ENCA(S)TRE VINDEZA. COMPTE DEUX VILAINS QUATORZE. AH, DONNE-MOI LE 800 A : MODE D’EMPLOI ! SI TU PENSES AVOIR TROUVÉ, SANTA VIENDRA LE CHERCHER. LE DÉLAI DÉPASSÉ, IL FAUT CONTINUER. SANTA VIT ».
De San Siza était intelligent. Il réalisa assez vite que les prénoms et noms du texte étaient des nombres et chiffres accompagnés de "A". Des quantités de "A". Il se remémora également qu’une certaine Vincetta s’était pendue dans la région. Vincetta Lanver. En additionnant le 27 A, le 134 A, le 104-22 A, les deux vilains 14 A et les deux 100A, il obtenait 515 A. Lui-même s’appelant 206 A, il en restait 79 à trouver pour aboutir à 800 A. Il ajouta son cheval (20 A) et signa sa participation au bas de la lettre reçue. Ce n’était qu’un amusement après tout.
Lorsqu’il contacta l’expéditeur, il fut tout surpris d’apprendre qu’il était chez QEMÉTON, société spécialisée dans l’industrie textile. Elle projetait de s’installer dans la région et, désirant se faire considérer, proposait à son futur voisin une petite énigme ainsi qu’une somme d’argent non négligeable s’il y avait résolution. Ils convinrent ensemble d’un délai, De San Siza le voulant bref, le temps de découvrir, dans la périphérie, lequel des voisins ou commerçants totalisait 59 A.
Ce n’est que par hasard qu’il tomba sur un passage de journal relatant la mort de Saint Quentin A. Cinquante et un A, il n’en manquait plus que huit. "IL FAUT CONTINUER", disait le texte. Il sursauta soudain en le lisant et réécrivit les deux dernières phrases. Il y avait là comme un mauvais jeu de mots. Tout à son désir d’y réfléchir, il congédia les domestiques. Il manquait toujours huit A lorsqu’on sonna chez lui. Revêtu de consonnes et de voyelles, un homme d’une maigreur effrayante apparut :
-Bonjour. Santa n’a pas pu venir. Je suis Sanza. Avez-vous trouvé une solution à l’énigme?
Sanza, Sanza, il fait plutôt sans-abri pensa De San Siza qui répondit :
-Il me manque huit A.
Personne ne sut jamais s’il grimaça ou s’il cria lorsque le long couteau lui traversa la poitrine. Personne ne comprit jamais, non plus, comment il s’était empalé sur cette épée qui, habituellement, trônait au-dessus de la cheminée. On ne découvrit, dans le salon, outre le nom de personnes décédées, du sien, et de son cheval, qu’une phrase unique tracée en majuscules : "IL FAUT CONTINUER SANS TA VIE". On authentifia bien son écriture, mais personne ne vit que, là encore, il manquait des "A". A la question posée, que n’avait-il répondu : Oui, Sanza ! (800 A, pour les plus lents à comprendre).
De San Siza n’avait plus aucune famille. Racheter sa propriété n’était plus, pour QEMÉTON, une difficulté de taille, pas plus qu’elle ne l’avait été pour celle de Saint Quentin A. ou de Vincetta Lanver. On ne s’étonna guère, dans la région, que la question QEMÉTON n’ait jamais soulevé d’interrogation. Si on déplorait le désastre, on était, à ce moment-là, prêt à porter les conséquences. Question d’étiquette.
Les suicides finirent par attirer l’attention mais la police ne retrouva jamais Santa. Elle recherchait aussi un dénommé Wit A. (huit A), ayant pu pousser ses voisins au jeu du hasard et, donc, du désespoir. Elle nuita là-dessus car sans Wit A., pas d’assassin. Pas d’A. Sassin chez QEMÉTON non plus, d’ailleurs. Chez QEMÉTON, personne ne porte d’"A", et QEMÉTON s’écrit sans "A". Oui, sans "A"(800 A) !
J'avais écrit cette nouvelle pour le concours de nouvelles organisé par le KAP Montparnasse en 2008. Elle a été conçue pour être lue d'abord à voix haute et ensuite avec les yeux seuls.
La première image à partir du haut est une photographie des ruines romaines de Caracalla (IIIème siècle après J.-C.), que j'ai prise, en 2002, à Volubilis (Maroc). La 2ème image, une photo également prise par moi, est une photo des fleurs que l'on appelle "fleurs de Volubilis". Celles-ci ont la particularité d'adopter une couleur bleu-indigo à certaines heures de la journée et violet-mauve à d'autres.
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Oksana Lewyckyj
2/503 Voie des Gaumais
1348 Louvain-la-Neuve
Belgique
Je suis une orientaliste diplômée d'un master universitaire (master 120) en Langues et lettres anciennes, orientation orientales, à finalité approfondie. Avant d'entreprendre ces études, j'avais déjà réussi brillamment, à l'université, les niveaux supérieurs d'autres langues anciennes que celles figurant sur ce diplôme.
J'ai deux fils : Sébastien Mercier, assistant vétérinaire (Martinets) à Frankfurt am Main (Allemagne) et Gabriel Mercier, post-doctorant à l'Université de Montréal, UDeM (Canada). Remariée à Pavarotti, ténor colorature ayant fait une carrière de 45 ans à l'Opéra, j'aime, moi aussi, le chant et l'Opéra. Je suis également soprano colorature.
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Je suis l'unique auteur, administrateur et propriétaire du blog "Langues, écritures, et civilisations anciennes" : https://oksanalewyckyj.blogspot.com/ ainsi que du blog "Luciano Pavarotti le Ténor excellent aux contre-ut, contre-ré, contre-mi bémol et contre-fa tenus" : https://oksanalewyckyj2.blogspot.com/
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